Tang Jiyao, le gouverneur de la province du Yunnan, était aimé et respecté de ses subordonnés au début de son règne. Une coalition d'officiers militaires de renom et de grand talent s'était formée derrière lui afin de diriger le Yunnan, en faisant une des plus impressionnantes forces militaires de Chine. Mais cette force militaire posait un problème majeur : les coûts pour l'entretenir était faramineux et l'économie de la province ne pouvait y subvenir, forçant Tang à organiser de la vente d'opium pour remplir les caisses. Aujourd'hui la Clique a perdu de sa superbe : les récentes séries de défaites militaires ont fragilisé le pouvoir de Tang, surtout auprès de ses deux principaux généraux : Long Yun et Zhu Peide. Le premier est le leader de la coalition des officiers du Yunnan et le second un général du KMT Nationaliste.

 Avec le temps les relations entre Tang Jiyao et ses subordonnés se sont détériorées, et la présence de l'Armée d'Acier, dirigée par Li Zongren, dans la province n'arrangeait pas les choses.

 Au début du mois de septembre le KMT Socialiste fuit la Ligue des Huit Provinces par le Liangguang. Une horde de miliciens non ravitaillé, emmenant avec eux leurs familles, et faisant ce qu'ils peuvent pour survivre sur la route pénètre dans le Guangxi. Ce qui était attendu arriva : le chaos provoqué par cette fuite désorganisée frappa le Guangxi. Des troubles civiles, de la colère populaire contre les gauchistes ou à l'inverse du soutien populaire à leur cause ; peu d'habitants du Guangxi étaient indifférents aux événements. Quand les émeutes ont commencées sur la route des milices socialistes, néanmoins, Lu Rongting fût forcé d'envoyer une armée surveiller cette Longue Marche et à apaiser les tensions locales. Lu étant un partisan de gauche, modérée certes, mais de gauche, il ne voulait pas s'en prendre au KMT ; mais ses convictions s'effondreraient si son peuple devait être en danger.

 Profitant de la désorganisation du Guangxi, Li Zongren se mit en mouvement avec l'Armée d'Acier. Il était de notoriété publique qu'il voulait prendre le contrôle du Guangxi, sa terre natale, et la Longue Marche en était une occasion parfaite. Il franchit le frontière le 17 septembre et un conflit politique éclata entre Li et Lu qui déboucha sur une guerre civile le 19 septembre, les deux souhaitant diriger le Guangxi.

 Au Yunnan le départ de Li Zongren fragilisa l'équilibre du pouvoir. Désormais privé d'un grand atout militaire, l'Armée d'Acier étant la meilleure armée de Chine, Tang s'affaiblissait. Zhu Peide vînt le rencontrer à Kunming pour lui proposer son aide et restaurer la grandeur de la Clique, mais la rencontre se termina par une brouille entre les deux hommes au sujet de plusieurs points essentiels, comme l'opium.

 Le 22 septembre Long Yun, accompagné de plusieurs généraux et de toutes leurs armées, entra dans Kunming, déclarant que Tang Jiyao n'était plus apte à diriger la province. Tang parvînt à fuir et à rallier ses fidèles pour combattre Long et un violent conflit éclata au Yunnan. Li Zongren, que tout le monde s'attendait à voir rallier Tang, se déclara du "troisième camp" pour le Yunnan et annonça l'instauration d'un gouvernement nationaliste et démocratique. Cette guerre civile tri-partite entraînera beaucoup de destructions dans le Yunnan.

 Avec la guerre civile vinrent plusieurs attentats terroristes des socialistes du Yunnan. Des poseurs de bombes attaquèrent les infrastructures de la province, désorganisant les armées en guerre, mais aucun soulèvement socialiste ne vînt ; du moins pas avant le 30 septembre, date à laquelle l'Armée de Fer qui s'était réfugiée au Hunan franchit la frontière et entra au Yunnan. Toujours alliée au KMT Socialiste, l'Armée de Fer alla à toute vitesse en direction de Kunming, soutenue par des soulèvements socialistes sur son passage et ravitaillée par la Clique du Hunan.

  L'Armée de Fer, après avoir franchit la frontière depuis le Hunan, alla à marche rapide vers Kunming afin de s'emparer de la capitale en profitant de l'effet de surprise. Et celui-ci fonctionna : Long Yun était braqué sur l'armée de Tang Jiyao et ne put réagir assez rapidement. La moitié est de la ville tomba entre les mains des socialistes alors que 3 000 fantassins étaient bloqués au sud face à des soulèvements socialistes. Les deux premières semaines de novembre furent marquées par cette bataille d'une violence au final très mesurée : les deux factions disaient se battre pour le bien du peuple du Yunnan et ne pouvaient s'en prendre à l'infrastructure civile. Le conflit finit par s'enliser, chaque camp possédant la moitié de la ville, jusqu'à ce que l'armée de Zhu Peide intervienne contre l'Armée de Fer. Zhu espérait que Long se rallierait à lui pour combattre les socialistes qui plieraient face à un assaut groupé ; mais le général ne rejoignit pas le KMT Nationaliste et profita de la distraction du KMT Socialiste pour se barricader dans sa moitié de ville.

  Ainsi, face à face, Zhu et l'Armée de Fer se battirent dans la moitié est de Kungmin. Progressivement le front se décala vers le sud, où une partie de l'armée de Long était coincée entre les milices socialistes, l'Armée de Fer et l'armée de Zhu. Au 19 novembre, la bataille sortait de Kunmin et encerclait complètement cette unité. Le lendemain Long profita de la faible présence ennemie dans la capitale pour la reprendre en entier, pour seulement deux jours ; le 22 novembre Tang Jiyao repassa à l'assaut sur la moitié ouest de Kunming afin de reconquérir la ville. Une alliance de fortune se fît tacitement entre Chen Mingshu, le général de l'Armée de Fer, et Tang Jiyao pour combattre Long et Zhu. Ces deux derniers se retrouvèrent bientôt dos-à-dos dans la capitale, pris entre l'enclume et le marteau.

 Chen décida de déployer les milices socialistes vers le sud afin de s'emparer de la région frontalière de l'Indochine. Son objectif était de créer un lien entre son armée et les autres révoltes socialistes d'Asie, en l'occurence le Viet-Minh. Zhu Peide, de son côté, envoya une force armée vers le nord afin de couper Tang de ses territoires et se heurta à ses Chasseurs Alpins. Les montagnes du nord entrèrent dans une sanglante guérilla.
 
 Au début du mois de décembre, Chen et Zhu décidèrent d'abandonner la Bataille de Kunming et privilégièrent une occupation du reste de la province. Tandis que Tang et Long continuaient de combattre avec acharnement dans la capitale, les deux autres forces armées jouèrent une sorte de Grand Jeu dans le reste du Yunnan : ils ne se battaient pas autrement que par de petites escarmouches et tentaient de placer des pions dans les zones clés de la région. Bientôt l'est fût totalement contrôlé par Chen tandis que le sud-ouest l'était par Zhu. Ce n'est qu'au 19 décembre que Tang évacua Kunmin et retourna dans ses territoires au nord, en chassant totalement la présence de Zhu. Au final Long maintînt sa domination sur la capitale, au profit de très lourdes pertes, qui le mettaient pratiquement hors jeu pour au moins trois mois.

 Le début de l'année 1937 se déroule en une longue guerre de positions. Le KMT Socialiste de Chen Mingshu et le KMT Nationaliste de Zhu Peide poursuivent leur Grand Jeu à échelle réduite dans les régions du Sud. Les deux armées tentent de prendre le contrôle de la route passant entre leurs deux territoires et, pour cela, évitent l'engagement. Quelques escarmouches peu notables ont lieu mais l'essentiel du conflit se fait à coups de propagande. Chen distribue une partie de son ravitaillement venu du Hunan afin de s'attirer la sympathie des villages autour de la route et fait passer, à travers ce ravitaillement, de la propagande socialiste : affiches, tracts et même quelques radios. De son côté, Zhu envoie des hérauts dans ces mêmes villages afin qu'ils décrivent au petit peuple les socialistes comme des monstres, des pillards et des égorgeurs d'enfants, finissant par leur proposer leur protection contre la barbarie.
 
 Au Nord, Zhu et Tang Jiyao tentent de prendre le contrôle de la ville-préfecture de Baoshan. La lutte commence comme la précédente, par la propagande afin de rallier la ville à leur faction ; mais, le 13 janvier, Tang n'en peut plus de cette attente et de ce conflit larvé et marche sur Baoshan afin de s'en emparer militairement, forçant Zhu à dégarnir son front contre les socialistes afin de le combattre. Après quatre jours d'attente, le 17 janvier, Chen laisse une partie de ses troupes contre les nationalistes pour le contrôle de la route et emmène le reste de son armée vers Kunming où il établit un siège, alors même que Long Yun ne peut combattre efficacement du fait de ses nombreux blessés et des lourds dégâts matériels - tant de ses défenses que de son matériel militaire. Mais l'attaque ne vînt pas immédiatement et pour cause : le 21 janvier, de l'artillerie, des auto-mitrailleuses et du matériel militaire venus de l'Internationale viennent en renforts de son armée autour de Kunming. C'est le 22 janvier que commence la deuxième bataille pour la ville.

  Tang va à marche forcée vers la ville-préfecture mais malgré toute sa vitesse, les chasseurs alpins du KMT Nationalistes étaient là avant eux et mènent une campagne de harcèlement dans les montagnes afin de ralentir l'armée du gouverneur. Ce précieux gain de temps permet à Zhu de bloquer la route entre Dali et Baoshan, forçant Tang à l'affronter ou à le contourner par des routes de montagnes sinueuses et escarpées d'où son armée ne ressortira certainement pas indemne. Fort de ce mouvement, le général nationaliste envoie des messages à Baoshan afin de se poser publiquement en protecteur de la ville et l'effet se fait : la préfecture proclame le 18 janvier son ralliement à Zhu. L'acte public dénonce la tyrannie de Tang et on peut y lire notamment : "La ville-préfecture de Baoshan ne reconnaît plus aujourd'hui Tang Jiyao comme le gouverneur légitime de sa préfecture et, plus largement, du Yunnan. En lieu et place, elle reconnaît Zhu Peide." Tang, excédé par cette trahison, lance toutes ses forces dans un assaut contre l'armée de Zhu, suivant exactement la stratégie de ce dernier qui a positionné ses troupes dans le défilé que forme la route.

 La charge d'infanterie de Tang se transforme en effroyable boucherie, l'infanterie nationaliste ayant placé des mitrailleuses lourdes de leur côté de la route et ayant répondu avec fermeté à cette charge. L'infanterie alpine de Tang, chargé de semer le chaos dans l'armée de Zhu, est repoussée par sa propre infanterie alpine. Après à peine 7 minutes de massacre, et sous la pression de ses officiers, Tang ordonne la retraite qui devient une déroute totale lorsque Zhu lance ses auto-mitrailleuses à la poursuite des loyalistes. Ces derniers doivent se réfugier dans les hautes montagnes du nord, abandonnant toujours plus de terrain à l'armée nationaliste et devant se retirer pour plusieurs mois de l'affrontement pour soigner ses blessés, réorganiser ses troupes et réparer son matériel.

  Chen lance l'assaut le 22 janvier. Des colonnes d'infanterie accompagne les compagnies de blindés et d'auto-mitrailleuses, envahissant peu à peu toute la ville. Long, de son côté, rassemble ses troupes afin de terminer le plus de réparations possible en urgence, puis lance ses forces dans la bataille pour repousser l'Armée de Fer. Grâce à du matériel de montagne fourni par l'Internationale, des unités socialistes contournent les routes et flanquent les putchistes de Long ; alors que la menace d'un enlisement de la bataille se profilait, Long pesa le pour et le contre et considéra que la ville ne valait pas les pertes et les dommages matériels considérables qu'il subirait, et ce dans l'opportunité où il gagnerait. Il évacua la ville avec une rigueur et une organisation exceptionnelle et le KMT Socialiste ne le poursuivit pas.

  Le mois de février s'ouvrit et se termina sur une relative tranquillité. Il était très difficile d'approvisionner la province et les armées ne pouvaient pas se fournir sur les populations, qui n'aurait plus rien - et si, en tant normal, aucun des quatre généraux n'y verrait de problème, dans l'optique de gouverner le Yunnan après la guerre, ce serait un mauvais calcul. Ainsi on ne vit que quelques escarmouches le long des "frontières", notamment deux séries : une au Nord, Zhu repoussant toujours plus Tang vers les confins montagneux de la province, et une au Sud, suite à la prise de position de plusieurs villages autour de la route pour Zhu ou Chen.