L'AIB a financé et organisé un festival à São Paulo, avec des musiciens, des discours et beaucoup de nourriture et de boissons gratuites. Le spectacle, qui célèbre à peu près leur victoire des mois avant l'élection, a donné lieu à des discours de la part de pratiquement tous les intégraliste dignes de mention, des évêques et même du prétendant au trône impérial, dans un événement politique récent jamais vu jusqu'alors. Les journalistes ont qualifié l'événement de " pain et cirque " et se sont moqués de la foule peu instruite qui s'est rassemblée, mais il ne fait aucun doute que l'AIB est sûre de sa victoire.
 
 Getúlio Vargas, alors qu'il prononce des discours dans tout le pays, a utilisé son discours aujourd'hui à Juíz de Fora pour dénoncer ce qu'il appelle le "populisme utopique", et a imputé les troubles qui affligent le Brésil à ces idéaux stupides. Vargas prétend qu'ils veulent la solution rapide, rapide et indolore aux problèmes du pays, mais qu'ils endorment les gens avec des promesses en or, seulement pour les priver de leurs libertés dans leur sommeil ; et quelques autres analogies, moins amicales. La franchise et le langage du discours ont captivé l'auditoire, et des enregistrements de celui-ci sont déjà transmis par radio dans certaines grandes villes.
 
 Bien que la FAB n'ait tout simplement aucun moyen d'appuyer un candidat, des membres éminents de la FAB, comme Edgard Leuenroth, ont déclaré que la candidature de l'ED est la meilleure pour le peuple du Brésil. De tels appuis ne manqueront pas d'attirer dans leur camp de nombreux travailleurs qui hésitait.
 
 Luis Carlos Prestes, un officier militaire de haut rang aux tendances syndicalistes connues, a annoncé publiquement son soutien au mouvement ED, qu'il considère comme la seule option qui défendra vraiment les travailleurs contre la tyrannie. Ce geste peut certainement faire plus de mal que de bien pour l'ED, car Prestes est bien connu pour ses liens avec la Troisième Internationale.
 
 Le jour de la décision est enfin arrivé. Toutes les pièces sont sur la table et les élections les plus controversées de l'histoire du Brésil sont sur le point de commencer. Les bureaux de vote de tout le pays font face à des files d'attente jamais vues auparavant, alors que des dépliants et des crieurs demandent des votes partout au pays. Quatre visions très différentes de l'affrontement national, dans les idées, et dans certains endroits, comme à São Paulo, littéralement, alors que les affrontements désormais semi-réguliers entre syndicats et intégraliste dominent l'actualité du jour, du moins jusqu'à ce que les résultats commencent à être connus. Après que la poussière se soit installée, un vainqueur et sauveur du Brésil émergera...

 João Mangabeira a débuté comme avocat de la défense à Ilhéus, avant de se tourner vers la politique comme son frère, l'ancien président Otávio. Au début de sa carrière, il était un proche et passionné de Rui Barbosa, mais après la mort de son mentor, il s'est taillé une carrière à part entière en tant que représentant fédéral de l'État de Bahia. Homme aux principes anti-autoritaires profondément enracinés, il a été un fervent défenseur du rôle de Bahia dans le conflit civil, et a ainsi acquis une certaine notoriété. Au fil de sa carrière, la lutte continue et pourtant apparemment infructueuse des pauvres du Brésil l'a rapproché de la gauche, et bien qu'il ait certainement des opinions socialistes et des alliés dans les milieux syndicaux et intellectuels, il n'est certainement pas syndicaliste. Son plan pour le Brésil était de construire un large front de gauche pour s'opposer au statu quo actuel, et il y parvînt en s'attirant le soutien de la CGT et des principaux syndicats. Ce large front de gauche, fortement instable et dispersé, pourra-t-il réellement régner ?
 
 Né et élevé dans l'État frontalier de Rio Grande do Sul, Getúlio Vargas a toujours eu un don pour la politique. Depuis ses premières incursions dans la politique d'État, il a toujours été un navigateur habile et, selon certains, un manipulateur astucieux. S'il n'est entré en politique qu'en 1913, il était déjà président de l'État de sa province natale au moment de la Révolution de 27, et ses compétences diplomatiques ont permis à la fois d'empêcher l'intervention des étrangers et de faire en sorte que le Rio Grande do Sul prenne le parti des forces fédérales. Après la guerre, Vargas est devenu vice-président sous João Pessoa, et sa notoriété s'est accrue dans tout le pays, prenant le temps d'apparaître à la radio et dans d'autres discours publics en tant qu'homme "veillant sur le petit gars" tant qu'il le pouvait. Depuis qu'Otávio Mangabeira a pris ses fonctions, il a passé quatre ans à articuler une campagne présidentielle énergique. Vargas, qui professe toujours des opinions non extrêmes mais puissantes sur l'avenir du Brésil, estime que la seule façon pour la nation d'entrer véritablement dans l'ère moderne est de mener une vaste campagne d'industrialisation, de modernisation et de réarmement, un processus qu'il estime qu'aucune personne ou loi n'a le droit d'entraver, car son intention est de toujours agir en premier lieu avec les meilleures intentions du Brésil.
 
 Représentant d'une famille puissante de São Paulo, Julio Prestes a fait ses débuts sur la scène politique en 1909 en tant que représentant de l'État au Parlement de São Paulo. Il s'est rapidement distingué, et a même mené des troupes au combat contre des militaires mutins à deux reprises avant de devenir un représentant fédéral, où son caractère libéral lui a valu l'admiration de beaucoup. Ami et partisan de Washington Luís, Prestes fut dévasté par son assassinat soudain et se rallia à la cause lors de la crise et du conflit à venir, mais il fut heureux que celui-ci se termine aussi rapidement qu'il l'avait fait. Il a retrouvé une nouvelle vigueur politique par la suite, et affirme faire de son mieux pour préserver l'héritage de son ami Washington. Après la défaite des libéraux de Bahia aux élections précédentes, Julio s'est retrouvé comme un choix presque unanime pour le confit du Parti libéral, et sa victoire a de nouveau renouvelé sa vigueur pour défendre les principes libéraux et positvistes qu'il a défendus tout au long de sa vie.
 
 Originaire de l'État du Ceará, au nord-est, Gustavo Dodt Barroso est l'un des intellectuels les plus influents du pays et le leader de l'Action Intégraliste brésilienne. Alors qu'il est un auteur accompli depuis l'âge de 23 ans, son entrée dans l'arène politique est survenue après avoir assisté à un discours passionné sur les valeurs de l'intégralisme par une figure importante, Arlindo Veiga dos Santos, en 1928. Depuis, il s'est consacré à aider à faire avancer l'agenda du mouvement, écrivant plusieurs livres bien vendus sur le sujet, mais aussi ses propres thèses antisémites, en particulier en traduisant les Protocoles de Lutte contre les Sages de Sion en portugais brésilien. Cette publication en particulier a motivé certains Intégralistes vers la violence et le vandalisme contre les juifs nés au Brésil et les immigrés. Barroso se consacre à la poésie et à l'étude du folklore brésilien, ce qui lui vaut un siège à l'Académie brésilienne des lettres. Son nationalisme profond et sa haine de l'ingérence étrangère perçue lui ont fait gagner un dédain et une haine particuliers pour les syndicalistes au Brésil, qu'il prétend être des espions français envoyés pour établir une république fantoche.

 Les résultats furent extrêmement mitigés, révélant la profonde fracture politique de la République du Brésil. La majorité alla au Front de Gauche avec 30% des suffrages, le second parti étant le Parti Républicain (conservateur) avec 25% des voix. Après eux vint l'Action Intégraliste Brésilienne avec 23% des voix, et enfin le Partido Liberal avec 15%. Avec de tels résultats le pays est de facto ingouvernable. Le Front de Gauche est une coalition bien trop large et instable et, n'ayant pas de majorité absolue ni même claire, il ne pourra pas prendre de décisions fortes au niveau national. L'opposition pourrait trouver un terrain d'entente, entre les conservateurs et les intégralistes, mais les divisions politiques entre les deux formations sont trop fortes pour qu'une coalition se forme. Ainsi aucune formation ne peut obtenir de majorité absolue sans faire des pieds et des mains...