Au sein de l'Émirat Saoud du Najd se trouve une force armée très puissante nommée l'Ikhwan, des Bédouins fondamentalistes, qui lance des raids réguliers contre l'Émirat Rashidi de Jabbal Shammar depuis plusieurs années. Mais ces derniers mois les raids de l'Ikhwan semblent avoir augmenté en ampleur, et l'Émir d'Haïl a réagit publiquement contre ces agressions Saoud. Finalement, en août, la Dynastie Rashid entre en guerre contre la Dynastie Saoud afin de mettre fin à ces raids.

  L'armée de Haïl n'attaque pas immédiatement et semble attendre quelque chose durant la première semaine de septembre, tandis que les troupes du Najd se réunissent. Au 9 septembre l'assaut démarre, mais les Bédouins de Haïl ne sont pas seuls : un corps de volontaires Ottomans sont venus en renforts. De l'infanterie motorisée, des blindés, de l'artillerie et de l'aviation Turque soutiennent l'assaut des Bédouins du Nord ; dans le nord-est, proche du Koweït, les premiers combats commencent ; mais les Bédouins du Najd n'ont pas l'intention de mener une guerre conventionnelle, et on assiste aux débuts de ce que sera la Poussée du Désert dans l'avenir : un conflit asymétrique.

 Ainsi, l'Ikhwan ne tente pas d'établir un front. Ils laissent les Bédouis du Haïl et les Turcs avancer dans leur territoire en lançant des raids, des embuscades et des escarmouches afin de les affaiblir et de rendre leur progression la plus difficile possible. Le 26 septembre l'armée d'invasion arrive aux portes de Riyad, où la Monarchie Saoud a déjà évacuée. La prise de Riyad n'est pas synonyme d'une fin de la guerre, loin de là : les Bédouins ne sont pas liés aux villes, ce dont les Turcs ne sont pas totalement conscients. Persuadés de leur victoire ils s'installent à Riyad tandis que les Bédouins du Haïl tentent de sécuriser le territoire contre les Saoud. En octobre le territoire est une poudrière à ciel ouvert : des escarmouches éclatent un peu partout.
 
 Les Turcs finissent pas aller soutenir les Bédouins du Haïl mais sont dépassés par les tactiques Saoud. Il n'y a pas de point à prendre pour les contrôler, pas d'infrastructures à attaquer ; il faut attraper les chefs, et les Bédouins ne se laissent pas attraper aussi facilement.
 

 Le 29 septembre, après la prise de Riyad, des émeutes de fondamentalistes éclatent dans la ville de Haïl. Les minorités Wahhabites de la ville veulent faire tomber l'Émirat Rashidi, le qualifiant d'impur. Même si ces émeutes sont de faibles ampleurs elles poussent des unités de Bédouins de Haïl à revenir en arrière, dégarnissant encore le "front" et permettant à l'Ikhwan de tenir tête plus facilement aux Turcs. En fait les Saoud ne tentent pas de reprendre leur territoire, désormais intégralement sous contrôle nominal de l'ennemi ; ils se contentent de voyager de tribu en tribu pour réaffirmer les liens d'hommage qui existent malgré l'invasion et pour pousser la population à ne pas se plier à l'autorité d'Istanbul.
 
 A la fin du mois d'octobre le conflit est à la fois terminé et à la fois interminable. L'État-Major a fini par comprendre une chose : il lui sera impossible de contrôler le Najd après une campagne militaire, et pour garantir de ne pas être chassés immédiatement, les Rashidis devront laisser une importante garnison dans tout le pays, qui sera chère à entretenir. Il faudra du temps, beaucoup de temps, et une forte assimilation culturelle pour que le Najd soit vraiment conquis. Et là-dessus les Turcs se demandent quel fût l'intérêt de cette invasion, si ce n'est un coût supplémentaire et une instabilité au Jabbal Shammar pour un bénéfice uniquement d'apparence ?

 Les émeutes de Haïl ont révélé qu'une partie de la population du nord de l'Arabie était séduite par le Wahhabisme ; pire, les minorités Wahhabites de l'Empire Ottoman, dans les Vilayets Arabes frontaliers, qui sont d'habitudes totalement ignorés par le reste de la population, ont trouvé des oreilles et des épaules bienveillantes quant aux malheurs de leur peuple. La guerre sur deux fronts que mènent les Turcs - le front mené par l'État et le front mené par les volontaires - est révélatrice de la fracture ethnique entre les Turcs et les Arabes dans l'Empire et menace l'Empire d'une grande révolte des peuples Arabes contre l'autorité du Sultan-Calife, à la fois par désir de liberté et à la fois par solidarité envers les Égyptiens et les Bédouins.
 
 Le territoire du Najd est nominalement sous contrôle Turco-Rashidi, mais cela n'engage en vérité à rien : le peuple et les élites obéissent toujours aux Saoud, qui se déplacent dans le désert avec leur ville de tente pour aller récolter l'impôt et maintenir leurs liens politiques. Les volontaires Turcs sont parfaitement conscients qu'à l'instant où ils quitteront le territoire les Saoud reviendront s'installer à Riyad comme si de rien n'était.